Remboursement des frais : la détresse des non-permanent·es.
Mme Isabelle Staes, M. Samuel Bignon, Mme Vanessa Fixot, il faut que vous sachiez.
Depuis bientôt dix jours, les organisations syndicales sont sollicitées par des salarié·es non-permanent·es en détresse. Des scriptes, des journalistes, des technicien·es vidéo, des monteur·ses, des documentalistes, des OPS. Pour vous, ils et elles ne sont peut-être que des nombres à virgule sur des tableaux d’ETP, qu’une ligne de dépense à réduire dans les fichiers comptables, qu’une variable d’ajustement pour boucler votre budget.

Mais pour les salarié·es permanent·es des antennes régionales, ce sont des collègues, des coéquipiers, des copains parfois même. Des humains avec qui on passe des heures dans des voitures de reportage, avec qui on partage les galères de tournage, avec qui on travaille chaque jour dans les rédactions, les régies, les couloirs de montage pour fabriquer nos programmes et nos JT. Du petit nouveau qui sort de l’école au plus ancien qui a roulé sa bosse dans toutes les régions de France, ils et elles concourent à la mission de service public qui nous relie tous : l’information régionale.
Certains connaissent mieux nos outils et nos territoires qu’un rédacteur en chef fraîchement débarqué ou qu’un directeur régional de passage dans une région pour deux ou trois ans. Ils et elles sont forces de proposition, d’innovation, et même, parfois, de motivation pour les titulaires qui ont perdu le sens de leur travail à cause de toutes les réformes insensées que la direction de l’entreprise impose régulièrement.

Et pourtant, aujourd’hui, ils et elles se demandent, dans un courrier adressé aux syndicats :
« Sommes-nous une sous-catégorie de salarié·es ? »
Entendez-vous seulement la violence qui résonne dans cette phrase ? Oserez-vous vous cacher derrière votre hiérarchie pour refuser de leur répondre, refuser de les écouter, refuser de les défendre ?
Ils sont plusieurs centaines à avoir signé cette lettre. Ce cri du cœur, cet appel au secours. Derrière chacun de ces noms se cache un humain, avec son parcours et ses compétences qu’il met à disposition de l’entreprise, souvent à bas coût. Ces humains-là, connaissez-vous leur vie ? Une vie toujours entre deux valises, entre deux trains, entre deux chambres d’hôtel. Une vie sans club de sport, sans cours de théâtre, sans suivi médical régulier, parce qu’on ne peut pas s’engager à des rendez-vous quand on est toujours aux quatre coins de la France, au gré des besoins de l’entreprise. Une vie à expliquer aux banquiers et aux propriétaires que oui, ils travaillent, oui, ils ont des revenus, mais c’est compliqué, ce n’est pas un statut comme les autres, mais ils l’aiment, leur métier, ils ne veulent pas en changer.

À ces sacrifices, que leur répond l’entreprise ? Qu’elle n’est pas obligée de prendre en charge leurs frais. Qu’elle leur fait une faveur. Qu’elle va mettre en place un nouveau système inique et déconnecté de la réalité, de manière unilatérale, juste parce qu’elle en a le droit.

Mais la qualité de vie au travail n’est pas un enjeu réservé aux salarié·es en CDI. On ne peut décemment pas demander aux non-permanent·es de se mettre en danger en faisant plusieurs heures de voiture, à l’aube, pour rejoindre une station à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux, parce que le découcher de la veille n’est pas remboursé. On ne peut décemment pas leur demander de débourser de l’argent pour avoir droit à une literie convenable dans un hôtel pas trop éloigné de la station. On ne peut décemment pas leur demander de manger du fast-food et des sandwiches toute la semaine, et par-dessus le marché de payer des cotisations sur le prix de leur jambon-beurre.
Peut-être qu’au fond, mesdames et messieurs de la direction, tout ça, vous le savez. Que ça vous arrange bien, que les syndicats soient les seuls interlocuteurs des non-permanent·es. Ça vous permet de détourner le regard. Cachez cette détresse que nous ne saurions voir !
Alors, Madame Staes, Monsieur Bignon, Madame Fixot,
nous attendons une réponse à cette déclaration liminaire.
Ayez la décence de ne pas renvoyer la balle à votre hiérarchie, la direction centrale.
Vous êtes responsables des salarié·es du réseau, non-permanent·es inclus. Leur santé et leur qualité de vie au travail est de votre responsabilité. C’est à vous de les défendre auprès de la direction de l’entreprise, de lui expliquer que le réseau ne fonctionne pas sans eux, et que vous ne pouvez pas laisser des salarié·es dans une telle situation.

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