Un avenir à deux vitesses
Quel plaisir de rentrer de congés en sachant que la direction a pleinement profité de son été.
La belle saison avait commencé, comme le veut la tradition de l’ère Ernotte, par une annonce de casse sociale par voie de presse. L’accord collectif est dénoncé, on se retrouve à la rentrée. Les salarié·es partent en congés avec une valise remplie d’anxiété et de crainte pour l’avenir : bonnes vacances !

Mais le temps fort de l’été, bien sûr, c’était le jeu de chaises musicales géant à la direction du réseau. Les gagnants ont remporté le gros lot : des postes avec des intitulés à rallonge, dont on a bien du mal à comprendre le sens. En lisant les mails de nominations, on se croirait coincés dans un post LinkedIn parodique, se moquant des entreprises qui utilisent à outrance la langue du marketing.
Voyez plutôt : on apprend qu’une directrice sera “chargée de conforter la stratégie éditoriale de proximité”, et qu’un énième directeur aura pour objectif de “conforter la stratégie de visibilité et d’impact des programmes”. Tout ça avec l’ambition de “renforcer la cohérence éditoriale et de renouveler les récits”. Quelqu’un peut-il expliquer, concrètement, ce que ces phrases vides de sens signifient ?
Ne voyez là non pas de la moquerie, mais un immense dépit. Parce que pendant ce temps-là, les salarié·es qui fabriquent les programmes, qui transmettent l’information au public, qui font tourner l’entreprise au quotidien, attendent de savoir ce que l’avenir leur réserve. Dans une période aussi instable politiquement, dans une période où nous devrions tous faire front pour nous défendre face aux attaques du gouvernement et de certains législateurs, dans une période d’incertitude anxiogène, il est irresponsable de choyer les hauts cadres en écrasant les opérationnels.
Pendant que certains passaient l’été à négocier leurs promotions et à imaginer l’aménagement de leur nouveau bureau, d’autres s’interrogeaient sur leur avenir, sur celui de leur famille et sur celui de leur métier.

Il est temps de cesser de masquer le mépris derrière des éléments de langage creux. L’avenir du service public ne se joue pas dans les bureaux feutrés des directions, mais sur le terrain, aux côtés de celles et ceux qui en incarnent chaque jour les valeurs.

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