L’heure est grave ! Que la fête commence ! Alors que les ordres du jour des derniers CSE sont chargés comme des cahiers de doléances sans fin, que les cas de harcèlement et de souffrances au travail sont légion, que les coffres de l’entreprise sont exsangues ou presque, comme un bateau sans gouvernail, la maison France Télévisions avance sans cap défini, sans stratégie réaliste. Les salarié·e·s sous pression de ce bateau ivre sont exhortés à vaquer à des tâches créatives et libératrices ! Soyons fous… et heureux !
Les invitations à jouer de la part de notre direction, à se détendre, à se confronter à nos collègues dans un esprit de franche camaraderie fleurissent dans nos boîtes-mails.
Colorier des mangas, dessiner son sport olympique préféré à la veille des J.O… A Noël, participer au concours de pull le plus moche, ou encore aller à la chasse aux œufs virtuelle pour célébrer la fête de Pâques.
Mieux encore, l’invitation sournoise à lâcher-prise, en prenant part à des ateliers yoga, bien-être, et jardinage. L’invitation à cultiver son jardin, sur les traces de Voltaire…
Que d’égards, de prévenances et d’empathie de la part de nos dirigeants, qui se montrent aux petits soins…
Mais que d’insolence et quel déni de la souffrance, aussi ! Alors que les salarié·e·s sont loin d’être dans une forme olympique, bien pire que ça, ils sont au bord du gouffre, avec des perspectives peu réjouissantes face à des projets, qui sonnent creux comme des coquilles vides et une politique incohérente, « la régionalisation », cette arlésienne si chère à notre direction, cela fait des mois qu’avec délectation elle nous promet le Graal, roulement de tambour, vous allez voir ce que vous allez voir !
En janvier, on a vu une première tranche à 18h30, lancée dans le plus grand fracas qui sitôt mise à l’antenne, s’arrête pendant plusieurs semaines (tout ça pour ça !), puis fin mars, une expérimentation de régie automatisée à Rouen, qui explose en plein vol…
Et enfin le 7 avril, en commission économique du CSE central, le projet se dévoile un peu, dans les objectifs de la rentrée de septembre 2021, l’idée la plus novatrice, « chaque antenne régionale arborera son propre logo tout au long de la journée, que le programme diffusé soit régional ou national ». Pour le téléspectateur, il y a 13 chaînes régionales de plein exercice, c’est marqué dessus, c’est comme le « Port-Salut ».
Les injonctions de la direction sont totalement paradoxales ! Les salarié·e·s ont de quoi devenir schizophrènes, déroutés et culpabilisés.
D’un côté, ils doivent faire les frais de mesures anxiogènes et peu réalistes comme le « 18h30 » sans moyen supplémentaire et d’un autre côté, on les encourage à s’amuser dans une belle émulation collective et guillerette.
On les pressurise, on les submerge de travail, et on leur assène, à longueur de mails :
« Autorisez-vous à lâcher-prise et à donner corps à vos rêves ! ».
Cette insouciance affirmée de la direction est indécente, et choquerait même le moins averti des inspecteurs du travail…
Attitude puérile qui nous infantilise ainsi ! Attitude irresponsable, qui ressemble aux manifestations d’une crise d’adolescence interminable…
Philippe Sollers affirmait : « la maladie de l’adolescence est de ne pas savoir ce que l’on veut et de le vouloir cependant à tout prix. »
Nous appelons notre direction à plus de décence, de maturité et de hauteur !
Et surtout, nous leur rappelons que nous ne sommes pas dupes.
Si l’infantilisation des salarié·e·s est une de leurs stratégies de management, d’ailleurs très en vogue de nos jours, on ne peut que déplorer ce choix indigne d’une entreprise du service public.
Quel exemple, quel nivellement par le bas !
L’injonction au bonheur ne rendra pas les salarié·e·s de France Télévisions plus heureux et plus rentables ou efficaces, dans ce contexte économique délétère.
Elle renforcera leur méfiance, alors qu’il est plus que jamais l’heure de fédérer tous les salarié·e·s.
Et cela commence par le respect…